Turquie : la guerre en Ukraine, une opportunité inespérée pour Erdogan

Marianne, le 12/04/2022

Par Stéphane Aubouard

Le magicien d’Ankara

 
Bien mal en point depuis quelques mois, Recep Tayyip Erdogan peut remercier Vladimir Poutine. / Anadolu Agency via AFP   

C’est toute la magie de la guerre ! Qu’elle soit menée par l’armée turque ou par procuration, le « Reis Â» a toujours su en tirer parti dès lors que son pouvoir était en jeu. L’invasion russe en Ukraine lui a donné une occasion inespérée de faire oublier – pour un temps au moins – ses malheurs domestiques.

Bien mal en point depuis quelques mois, Recep Tayyip Erdogan peut remercier Vladimir Poutine. L’invasion russe en Ukraine lui a donné une occasion inespérée de faire oublier – pour un temps au moins – ses malheurs domestiques. Depuis deux ans, l’économie turque est en berne, enlisée dans une crise monétaire et une inflation sans fin (+ 50 % depuis 2021) issues des décisions aberrantes d’un système islamo-mafieux bien ancré depuis vingt ans. Mais c’est toute la magie de la guerre ! Qu’elle soit menée par l’armée turque ou par procuration, le « Reis Â» a toujours su en tirer parti dès lors que son pouvoir était en jeu.

Ainsi en 2015. À l’approche d’élections législatives cruciales alors que son parti était en difficulté, le chef de l’AKP a lancé une offensive dans le Kurdistan turc contre les membres du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), en guerre contre le pouvoir turc depuis des décennies. En 2019 ensuite. Quelques mois après avoir perdu Ankara et Istanbul aux élections municipales, Erdogan envoyait ses avions bombarder les Kurdes de Syrie un peu trop liés, d’après lui, à ceux du PKK. Une manière encore de détourner l’attention en interne, mais sans grand effet sur sa cote de popularité. À la fin de 2020, la guerre dans le Haut-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan va lui donner l’occasion de se rattraper : il déploie une activité diplomatique intense et mobilise des drones destructeurs à Bakou. Les mêmes que ceux que l’Ukraine utilise aujourd’hui.

UN PRIX NOBEL DE LA PAIX ?

Avec la guerre russo-ukrainienne, un an avant la présidentielle turque, le néosultan, en campagne perpétuelle, ne pouvait pas rater l’occasion de se montrer. Non seulement pour séduire son électorat d’Anatolie, plongé dans la pauvreté, mais aussi pour se rapprocher de ses « amis Â» occidentaux, avec qui le chef islamo-nationaliste était en froid depuis ses aventures syriennes.

Nul doute que la Turquie – seconde armée de l’Otan et qui possède des frontières maritimes communes avec la Russie – est aujourd’hui d’une aide précieuse en matière de renseignement. Pour l’Alliance… comme pour l’Ukraine. La mer Noire débouche en effet directement sur la mer d’Azov, où se situe l’épicentre de la guerre.

Ce n’est donc pas pour rien que les principaux rounds de négociations se passent aujourd’hui en Turquie. Le rêve du « Reis Â» serait qu’un cessez-le-feu soit signé sur son territoire. Et pourquoi pas recevoir le Prix Nobel de la paix en fin d’année ?

â—Š

Publicité